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La réunion RG-DST, vieux rêve de Sarkozy

Publié le par DEXTER

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Peu après son accession à l’Elysée, il a signé l’arrêt de mort des Renseignements généraux.

Longtemps rivaux, concurrents, voire frères ennemis, les deux services secrets de la police issus de la seconde guerre mondiale, la DST et les RG, vont fusionner en 2008 dans une même Direction centrale du renseignement intérieur, pour devenir une machine de guerre contre le terrorisme. Cette réforme initiée voilà quinze ans par la gauche et concrétisée par la droite constitue une révolution pour des agents que l’Histoire a séparés, puis rapprochés.

Fichage. Officialisés en 1944, les contre-espions de la direction de la surveillance du territoire (DST) ont œuvré contre les ingérences étrangères le temps de la Guerre froide jusqu’à la fin des blocs de l’Est et de l’Ouest, après la chute en 1989 du mur de Berlin. Puis ils ont misé sur le contre-terrorisme.

Nés en 1941 sous le régime de Vichy pour traquer les résistants, les juifs, les communistes, les Renseignements généraux (RG), censés informer et prévenir le gouvernement en matière politique, économique et sociale, ont une réputation sulfureuse de police politique, monomaniaque du fichage (1,2 million de fiches de personnes), de l’archivage de rumeurs et de tuyaux destinés au parti au pouvoir, qui en use et en abuse. Menacés de disparition en 1981, ces serviteurs zélés du gouvernement ont finalement survécu à l’arrivée de la gauche à l’Elysée. Les RG ont été modernisés à partir de 1989 sous l’impulsion du préfet socialiste Jacques Fournet. Les domaines d’analyse ont été étendus aux phénomènes de société (sectes, banlieues, hooliganisme, etc.) et aux extrémismes en tous genres. Des « sections de recherches » de renseignements en « milieu fermé » ont alors été créées pour surveiller les activités d’autonomistes bretons, corses, basques, puis d’islamistes.

Ce volet de l’activité des RG a rejoint le travail de la DST au début des années 90, avec la montée des islamistes en Algérie et la détection en France de réseaux de soutien (en fonds, armes et faux papiers) aux maquis algériens. Les deux services se sont unis dans la lutte antiterroriste contre les actions commando des GIA (Groupes islamiques armés) algériens ciblant des Français : le détournement de l’Airbus d’Air France à Alger à Noël 1994, puis la série d’attentats en France en 1995. L’apparition du leader mondial d’Al-Qaeda, Oussama ben Laden, et l’attaque des tours jumelles new-yorkaises le 11 septembre 2001 a fini de souder les deux services de renseignement intérieur.

Scandales. Dans le même temps, les activités plus traditionnelles des RG ont connu des dérapages et provoqué des scandales qui ont remis en cause leur existence, sans jamais la supprimer. Ainsi, l’espionnage par les RG du conseil national du Parti socialiste à la Villette en 1994 a poussé le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua à ordonner l’arrêt de la surveillance des partis politiques et de la presse. L’apparition en 1997 d’un « corbeau » qui alimentait le juge Eric Halphen en « blancs » (notes libres et non signées) des RG sur les fonds occultes du RPR les rendit suspects d’enquêter en parallèle sans fournir les éléments au magistrat. Du coup, le nouveau Premier ministre socialiste Lionel Jospin prédit la suppression des RG dans son discours d’investiture. Il n’en fit rien.

Veto élyséen. Yves Bertrand (1), l’inoxydable grand patron des RG, dit « l’homme le mieux renseigné de France », a su comme d’habitude se rendre indispensable, sauver sa peau et sa maison. « Tonton » Bertrand aura servi, sans tomber, neuf ministres de l’Intérieur, de droite comme de gauche, entre 1992 et 2004. Nicolas Sarkozy a fini par l’écarter de ce poste pour le remplacer par le directeur adjoint, Bernard Squarcini, mais a été bloqué par un veto de l’Elysée. De la même manière, le vieux projet de fusion des RG et de la DST, remis sur le tapis par Nicolas Sarkozy, a essuyé un refus du président Chirac. Si ce ministre de l’Intérieur a mis fin aux « blancs » anonymes des RG, il n’en a pas été de même pour le fichage des hommes politiques. Ainsi, le dossier de Bruno Rebelle, ex-leader de Greenpeace France, a-t-il été opportunément actualisé lors de son arrivée en janvier 2007 dans le staff de campagne de Ségolène Royal.

Après son accession à l’Elysée, Sarkozy a signé l’arrêt de mort des RG. Le conseil des ministres du 20 juin a annoncé « la fusion des deux services », la DST avec 80 % des RG, ce qui provoque une levée de boucliers des syndicats de police. La section course et jeux des RG, qui surveille les casinos et l’origine des fonds, doit intégrer la police judiciaire. Les RG qui suivent les manifestations, les violences urbaines et le hooliganisme continueront, mais au sein des commissariats de sécurité publique. Malgré ses réticences, la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a dû annoncer, deux jours après le 11 septembre, la création de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), afin de « renforcer la performance de la lutte antiterroriste ». (1) Yves Bertrand, dont le nom est apparu dans toutes les manipulations ou scandales des RG depuis 1992, s’exprime sur ces affaires dans un livre à paraître le 11 octobre : Je ne sais rien… mais je dirai (presque) tout (éd. Plon).

 
 

Patricia Tourancheau, Libération.fr

lundi 8 octobre 2007
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